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​LETTRE OUVERTE À L'ADMINISTRATION DE FACEBOOK

AU SUJET DE LA DIFFUSION DE DISCOURS DE HAINE CONTRE LES PERSONNES LGBTQI+ AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD

30 Juin 2020

Nous, soussignés, exprimons notre inquiétude face à la diffusion croissante de discours de haine contre la communauté LGBTQI+ sur Facebook. Nous appelons l'administration Facebook de la région MENA (Afrique du Nord - Moyen-Orient)  à mettre fin à l'utilisation de sa plateforme pour diffuser ces discours, notamment par ses utilisateurs de langue arabe.

Contexte :

Au cours des derniers jours, des campagnes systématiques de propagation de discours de haine contre la communauté LGBTQI+ en Égypte ont explosé, après l’annonce de la mort de la militante Sarah Hegazy. Sarah Hegazy était une militante égyptienne féministe et pour les droits humains. Il y a trois ans, Sarah a assisté à un concert du groupe "Mashrou3 Leila" au Caire, au cours duquel elle a brandi le drapeau arc-en-ciel. Une semaine après, les autorités égyptiennes ont arrêté Sarah pour "participation à un groupe créé en violation de la loi et visant à porter atteinte à la constitution". Pendant sa détention, elle a subi de multiples formes d’abus, de discrimination et de torture. Elle a finalement été forcée de fuir son pays à la recherche de sécurité au Canada, où elle a obtenu l'asile. Cependant, les messages de haine diffusés chaque jour via les réseaux sociaux ne se sont pas arrêtés pour autant, la poussant finalement à mettre fin à ses jours le samedi 13 juin 2020.

 

Les médias sociaux comme instruments de propagation de la haine

Ces dernières années, avec le développement de nouvelles formes de médias et de communication, la diffusion de discours de haine en ligne s'est amplifié, et des efforts importants doivent donc être faits afin de lutter contre toute incitation ou discours de haine.

Les médias sociaux sont l’un des outils de diffusion privilégiés des personnes diffusant des discours de haine, de violence, de harcèlement et de persécution. De nombreuses personnes tenant des discours homophobes organisent ainsi régulièrement d'intenses campagnes d'intimidation de masse, résultant parfois en des menaces de mort et de l'extorsion.

Les personnes appartenant à plus d'une minorité sont également plus susceptibles d’être victimes de ce type de discours.

 

 

Signaler un discours de haine:

Les standards communautaires de Facebook soulignent dans la section sur la société au point 12 que "Facebook ne tolère pas tout discours incitant à la haine, car cela crée un environnement d'intimidation et d'exclusion, et dans certains cas, peut encourager la violence dans le monde réel."

La même clause définit également un discours de haine comme une “attaque directe contre des personnes en fonction de ce que nous appelons des caractéristiques protégées - race, origine ethnique, origine nationale, appartenance religieuse, orientation sexuelle, classe sociale, sexe, genre, identité sexuelle ou maladie grave, ou handicap.”

Bien que les membres de la communauté LGBTQI+ signalent quotidiennement des milliers de posts et commentaires en langue arabe dont le contenu incite à la haine et à la violence, ces signalements n’aboutissent jamais, la réponse étant : “Le contenu du post/commentaire ne viole pas les standards communautaires de Facebook.”

Cela est dû à la mise en œuvre laxiste des politiques anti-discours de haine dans la gestion de la plate-forme dans notre région, ce qui rend la plate-forme dangereuse pour les minorités sexuelles, où de nombreuses violations de cette politique ont été observées. Si le droit à l'égalité de traitement et à la non-discrimination est un droit fondamental consacré par les traités et pactes internationaux, il convient de veiller à ce qu'un mécanisme existe pour garantir que les plaintes des victimes de discours de haine dans la région soient examinées sans violer la liberté d'expression.

 

 Liberté d'expression et discours de haine

Le discours de haine n'a pas de définition spécifique dans les traités internationaux sur les droits de l'homme. Ce terme désigne un discours large considéré comme négatif et constituant une menace pour la paix sociale. Le discours de haine recouvre toutes les formes d'expression qui propagent, incitent, promeuvent ou justifient la haine et le racisme sur la base de l'intolérance et de la discrimination.

 

Les personnes diffusant ce type de discours se cachent souvent derrière l'idée qu'ils ne font qu'exprimer une opinion ou une croyance, mais personne n'a le droit d'agir de manière abusive envers les autres. La liberté d'expression entraîne l'obligation de respecter les droits d'autrui. Chacun.e a le droit d'être protégé.e contre la discrimination et la violence. L'utilisation d'un langage abusif,  l'expression d'une opinion abusive, l'incitation à la violence, à la haine ou à la discrimination, ne relèvent aucunement de la liberté d'expression.

 

Discours de haine et traités internationaux

La Déclaration universelle des droits de l'homme affirme à l'article deux que chacun « peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.»

 

Dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il a été réitéré au deuxième paragraphe de l'article 18 que «nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix » et au troisième paragraphe du même article «La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui. »

 

Au vu des récentes campagnes de haine à l’encontre de la communauté LGBTQI+ de la région Afrique du Nord - Moyen-Orient; campagnes qui sont toujours en cours actuellement malgré les annonces faites par M. Zuckerberg le vendredi 26 juin, concernant "le traitement de toute publication qui vise à menacer la sécurité physique et sanitaire des personnes sur la base de leur origine, race, nationalité, classe sociale, genre, orientation sexuelle, et l'assurance que [ces publications] seront interdites ";

 

Nous demandons en conséquence à l'administration de Facebook :

 

● De maintenir des réunions régulières avec des individus, des militant.es et des organisations communautaires LGBTQI+ de la région Afrique du Nord - Moyen-Orient, qu’une réunion soit organisée dans les plus brefs délais à ce sujet, et qu’un suivi régulier de l’effectivité des décision prises soit assuré ;

● De mettre en place un mécanisme pour enquêter individuellement sur tous les cas de discours de haine, notamment liés à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, conformément à des critères spécifiques qui respectent la vie privée et sans préjudice du droit à l'expression ;

● D’appliquer la même politique de lutte contre les discours de haine contre la communauté LGBTQI+ en Afrique du Nord - Moyen-Orient que dans les pays d'Europe et d’Amérique du Nord, que les discours de haine soient interdits et que des mesures fermes et concrètes soient prises contre leur diffusion ;

● De former et sensibiliser ses employé.es dans la région aux questions liées à l’orientation sexuelle, l’identité de genre, et les droits des minorités (particulièrement la communauté LGBTQI+) ;

● De nommer un.e expert.es concerné.e par la lutte contre le discours de haine au sein du comité des sages de Facebook, ainsi que d'un. représentant.e de la communauté LGBTQI+ de notre région; il est évident que ces personnes doivent croire en l'universalité des droits humains et des minorités;

Nous restons disponibles pour toute question,

Cordialement,

Signataires

  • Association ANKH – Zone euroméditerranéenne

  • Association tunisienne de défense des libertés individuelles -Tunisie

  • ATYAF Collective for sexual and gender diversity -Maroc

  • Barra El Sour Initiative -Egypte

  • Bedayaa Organisation -Egypte et Soudan

  • Collectif SAQFE - Maroc

  • Committee For Justice -Genève

  • Forum Egypte pour les droits de l'homme -Egypte

  • Humena pour les Droits de l'Homme et l'Engagement Civique - Tunisie

  • Il Grande Colibrì - Association interculturelle LGBTQIA - Italia

  • Initiative franco-égyptienne pour les droits et les libertés -France

  • Initiative Mawjoudin pour l'égalité -Tunisie

  • Le village médical et psychosociale - Maroc

  • Lettre manquante T –Egypte

  • LGBT Arabic - Syria

  • Mesahat Foundation for Sexual and Gender Diversity -Egypte et Soudan

  • Nassawiyat - Maroc

  • Philomela - Russie

  • Planète Ally - Australie

  • Rainbow street - USA

  • Solidarity with Egypt LGBTQ+ -Egypte

  • Women's center for guidance and legal awareness -Egypte

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